Les évolutions à venir du métier de Maître Composteur
25/10/2022 |
Déchets verts
Formation
Maître composteur
Point de vue
Décarbonation de nos activités socio-économiques, résilience alimentaire, réduction drastique des transports, eau, sols, biodiversité… L’urgence climatique nous place, Maîtres composteurs (MC), au cœur de plusieurs défis environnementaux forts.
Par Pierre Feltz
Notre jeune métier est apparu pour accompagner les changements de comportements et la mise en œuvre de solutions concrètes de compostage de proximité dans un cadre réglementaire en évolution rapide.
Dans un premier temps, c’est avant tout la gestion des déchets de cuisine et de table (DCT) qui sont la priorité des programmes territoriaux : les différentes modalités, outils et techniques de compostage se développent alors. L’organisation de la filière professionnelle pilotée par l’ADEME et le Réseau Compost Citoyen (RCC) se structure et des organismes de formation se mettent à dispenser les formations identifiées
dans les référentiels acteurs-formations.
Très rapidement les missions des maîtres composteurs au service des collectivités, associations, entreprises, s’élargissent pour s’intéresser à tous les biodéchets, en particulier aux déchets verts dont les gisements sont colossaux. Le compostage n’est pas LA solution unique pour ces déchets que nous apprenons alors à les regarder comme une noble ressource : le travail des MC va se porter sur la mise en place de projets de sensibilisation et de mise en actions qui répondent à une hiérarchisation évidente dans leur choix : d’abord l’évitement (comment ne pas produire de déchets verts ?), puis le détournement (comment les valoriser sur leur site de production ?). Le travail est d’envergure : accompagner le changement de regard sur le monde vivant et sa diversité, sur la matière organique, sur le sol comme entité vivante… et sur l’esthétique des espaces dits « verts », jardins privatifs et publics.
Nous voilà au cœur du problème : comment mettre en mouvement les consciences pour transformer les regards sur ce que nous voyons mal ou ne voyons pas : matière organique source d’humus, bactéries et associés, champignons du sol, cycle du carbone, de l’azote, de l’eau ?
Il y a d’un côté ce dont nous avons hérité : le propre, le beau, le rangé, le rassurant, l’ordre et le conventionnel… aux dépens de jardins ou d’espaces publics vides de vie et de nature, domptés, rasés de près, nettoyés, toujours verts, arrosés. Ici, l’on exporte le déchet vert, on vide, on évacue d’un côté… pour importer des matières fertilisantes manufacturées et des végétaux à maintenir en survie dans des espaces fragilisés. Le tout avec des coûts techniques et humains élevés !
D’un autre côté, des espaces verts frugaux, des jardins peu exigeants où s’appliquent des régulations naturelles, la venue d’une nature qui- bien que pilotée par le jardinier – s’invite pour nous redonner quelques leçons de base sur les équilibres fragiles entre êtres vivants, témoins d’une résilience de nos agrosystèmes : un déchet vert c’est de la matière organique qui se transformera sur place pour nourrir les êtres vivants du sol et revenir dans un cycle vertueux.
Nous voici au temps du « jardin zéro déchet ».
Crédit photo : Pierre Feltz formation conseil
Notre travail de MC, il est donc là aussi : ouvrir notre activité initialement centrée sur le compostage vers une gestion beaucoup plus globale des biodéchets en mettant en lien la gestion de la matière organique avec les sujets de la vie des sols, de l’eau, de l’accès à une alimentation saine, de la biodiversité. Plutôt que de voir s’envoler en fumée feuilles et branches (comment se fait-il que l’on trouve encore dans le commerce des incinérateurs de jardin ?) ou les confier aux déchèteries à grand renfort d’énergie fossile et d’argent.
C’est faire se rejoindre l’intérêt personnel des jardiniers à savoir les gains de temps, de travail, d’énergie et d’argent dépensé… aux intérêts collectifs. D’abord à l’échelle de nos collectivités territoriales et bien sûr à l’échelle planétaire.
La stratégie territoriale est importante : la mise en place du compostage citoyen et la sensibilisation à la gestion in situ des déchets verts passant essentiellement par l'implication des habitants, cela prend du temps! Le MC doit donc planifier et mettre en place les actions les mieux adaptées à son territoire, savoir échanger et informer en fonction de son public, de ses réticences aux changements et de ses idées reçues ... Le MC doit apprendre à faire avec son contexte géographique et humain pour creuser et asseoir sa place dans le maillage des acteurs du territoire. Cette stratégie globale permet de donner plus de visibilité sur son travail, convaincre les élus sur le long terme et donc avancer sereinement.