Peut-on utiliser le compost des toilettes sèches ?

08/10/2018 | Matière organique Toilettes sèches
toilettes seches Il est très difficile d’estimer le nombre d’utilisateurs de toilettes sèches (TS) en France. Une étude réalisée entre 2005 et 2010 fait état de 10 000 à 20 000 utilisateurs dans le cadre familial. Ces données peinent à inclure les personnes réalisant elles-mêmes la fabrication et l’installation de leur dispositif ainsi que les utilisateurs occasionnels (écotourisme, évènementiel…). Le bilan pourrait donc être révisé à la hausse !

La sécheresse estivale qui a sévi cette année nous invite à interroger et adapter nos rapports à l’eau. Est-il encore acceptable de faire nos besoins dans une eau potable dont la valeur et la disponibilité risquent pour l’un d’augmenter et pour l’autre de décroître ? Avec 40L d’économie d’eau par personne et par jour, les toilettes sèches s’imposent comme une alternative pertinente.
A l’usage, la principale technique utilisée reste celle des toilettes à litière biomaîtrisée (TLB), fonctionnant par ajout de sciure après chaque utilisation et vidange régulière des contenants. Son faible coût et sa facilité d’installation rendent cette méthode accessible et donc majoritairement répandue.
Cependant, d’autres procédés existent. Nécessitant un matériel plus spécifique, ces derniers permettent souvent de limiter les interventions de vidange et d’entretien et présentent pour certains l’avantage de pouvoir équiper les habitats verticaux. Ils restent malgré tout à la marge et toilettes sèches riment avec TLB dans l’esprit du commun.

Une caractéristique des toilettes à litière est l’accumulation d’un volume important de matière valorisable grâce au compostage.
Depuis l’arrêté du 7 septembre 2009, la législation française encadre les conditions de gestion et d’utilisation des sous-produits.
Le compostage se doit d’être réalisé sur une aire conçue pour préserver le milieu environnant. Ce qui est dans le composteur doit, au moins pour un temps, rester dans le composteur. Pluies et eaux de ruissellement ne doivent pas transiter par la matière pour se déverser ensuite dans l’environnement chargées de microbes, une protection contre les fortes intempéries est préconisée. Une installation fiable se doit aussi d’interdire l’accès aux animaux errants, potentiels vecteurs de contamination. Ensuite, une durée de 18 à 24 mois de compostage est nécessaire pour s’assurer de la disparition des principaux pathogènes. Au cours de cette période, chaque manipulation devra s’effectuer à l’aune de certaines précautions.
Mais que cela ne formalise pas le débutant, ces bonnes pratiques sont simples à mettre en œuvre. Elle nécessitent seulement un minimum de rigueur et de connaissances. A ce titre, des associations mettent gratuitement à disposition des intéressés les informations nécessaires. C’est le cas par exemple du Réseau d’Assainissement Ecologique qui regroupe depuis 2009 les professionnels de la filière. En outre, les spécificités propres aux toilettes sèches ne dispensent pas de respecter les règles d’or du compostage. Il convient donc de veiller à maintenir un taux d’humidité satisfaisant et de brasser régulièrement pour apporter l’oxygène nécessaire à la décomposition.

Après ces longs mois de maturation, le moment tant attendu du retour à la terre est enfin venu. Comment utiliser mon compost de TS et peut-on l’utiliser indifféremment sur toutes les cultures ?
A ce stade, les premiers obstacles sont principalement d’ordre psychologiques et culturels. Certaines personnes ne souhaitent pas fertiliser leurs cultures nourricières avec ce produit à la valeur agronomique pourtant très intéressante. Le doute est entendable et la prudence raisonnable, il convient d’être à l’aise avec sa pratique. Pour cela, il est conseillé de procéder par étapes. Plus le jardinier est averti, plus il étendra l’usage de son compost de TS.
Quelques dizaines de m² suffisent à accueillir la production annuelle d’un adulte, à raison d’un apport équivalent au compost domestique, 1 à 5 kg/m².
Les premières années, le jardinier se limitera à utiliser son compost pour la végétation ornementale. Arbres, arbustes, haie et autres fleurs se délecteront de ces tendres attentions.
L’étape suivante consistera à utiliser notre or brun sur les légumes et fruits dont nous ne consommons que les parties aériennes et/ou que nous consommons cuits.
L’étape finale, réservée au jardinier aguerri, sera l’utilisation sur toute culture et notamment les légumes racines consommés crus.
Avec l’expérience, le champ d’utilisation évolue de l’ornemental vers le comestible, de l’aérien vers le sol, du cuit vers le cru.

Pour aller plus loin : https://www.rae-intestinale.fr/

Plus d’infos : “L’urine, de l’or liquide au jardin”, publié aux éditions de Terran et écrit par l’ingénieur et le pépiniériste Renaud de Looze.
Voici le premier ouvrage argumenté consacré à l'urine, ce véritable or liquide permettant de recycler et produire dans le même temps. Il fait la synthèse des connaissances actuelles sur le numéro un des engrais naturels : valeur agronomique, salinité, santé et environnement. Le recyclage de l'urine au jardin permet d'éviter de coûteux traitements de l'eau et de bénéficier d'une ressource gratuite, riche en sels minéraux propices à la culture des végétaux et à la biodiversité. Pour cultiver sans polluer, l'auteur donne des recettes combinant urine et compost ; il renseigne sur les dosages à apporter et propose deux modes d'épandage - non dilué ou dilué - suivant la périodicité choisie.

Romain Crochet, animateur en agroécologie, Compost’Action